« C » comme COMPORTEMENT

« C » comme COMPORTEMENT

Trier ses déchets, jeter son mégot de cigarette dans un cendrier, respecter le code de la route, tenir la main courante lorsque l’on emprunte un escalier… Autant de problématiques rencontrées dans les organisations et les collectivités et qui ont pour point commun : le comportement. Comment inciter l’individu à adopter un comportement plus vertueux pour lui, les autres et la Planète, tel est l’enjeu majeur de notre époque.

 

Les moyens d’action classiques visant « à faire changer » reposent sur trois piliers que sont la technique, l’organisation et le facteur humain.

Prenons le cas de la sécurité routière, par exemple :

-Les infrastructures routières et les véhicules se sont considérablement améliorés depuis une 30aine d’années. Ce travail sur le pilier technique a rendu, sans conteste, les routes comme les véhicules qui les empruntent plus sûrs.

– Le code de la route, la signalétique opèrent sur le champ organisationnel en fixant les règles applicables pour chaque usager.

-Les campagnes de sensibilisation (information) sur les risques « routiers » (alcool, vitesse…) et les radars de contrôle de vitesse (sanction) ont pour vocation d’agir directement sur les comportements en incitant les usagers de la route à respecter les consignes.

 

S’il convient de continuer à œuvrer sur les piliers techniques et organisationnels,

celui concernant le comportement peine à produire les résultats escomptés.

En effet, les moyens d’actions actuellement mis en œuvre agissent comme des facteurs de motivation extrinsèques au changement. Souvenons-nous, par exemple, comment pendant l’épisode « gilets jaunes », la mise « hors service » de certains radars ont entraîné une augmentation du nombre d’accidents de la route de 17% au mois de février 2019 (faisant suite à une augmentation de 3,9% sur le mois de janvier), soit une augmentation de 22% du nombre d’accidents par rapport au mois de février 2018*.

 

Ainsi le comportement « vertueux » demeure tant que la pression extérieure (matérialisée ici par les radars)

existe avec, en parallèle, une question de fond : « jusqu’à quel niveau peut-on accroître le niveau de contrôle et de répression au risque qu’il ne devienne contre-productif ? ».

 

Le parallèle est tout à fait intéressant dans le domaine de la santé/sécurité au travail où l’employeur est confronté aux mêmes difficultés. Les normes, les règles et le contrôle s’accroissent en entreprise alors que nous savons qu’il existe un seuil de tolérance du travailleur au-delà duquel la contrainte qui s’exerce sur lui entraîne un contournement des règles. On parle alors de contrainte pour l’opérateur.

 

De la même façon, les tentatives de sensibilisation sur les risques associés au poste de travail et les procédures disciplinaires s’accroissent en entreprise avec un impact très limité sur les changements de comportement. Pour les premières, elles agissent souvent loin du lieu et de l’instant où, l’individu, en situation de choix devra prendre une décision perdant, ainsi, toute leur efficacité.

Les sanctions et les procédures disciplinaires, présupposent, quant à elles, une intention délibérée de « mal faire » ou d’adopter le mauvais comportement. Pire, elles matérialiseraient l’impossible faculté de l’être humain à être vigilant en permanence…

Or, y compris pour les plus prudents d’entre nous, ne peut-il arriver que nos comportements soient, tout simplement, le fruit d’habitude ou de réflexes difficilement contrôlables ? Qui, par exemple, ne s’est pas déjà fait « flashé » à quelques kilomètres/heure au-dessus de la limitation de vitesse, simplement par « inattention » ?

 

Les outils et méthodes visant à garantir des changements de comportements dénotent d’une méconnaissance du fonctionnement de l’être humain qui, conscient des risques encourus, à la fois en termes de santé/sécurité mais aussi pénaux ou disciplinaires, devrait naturellement adopter des comportements conformes à ceux qui sont attendus. Ce même être humain serait, suivant le même postulat, capable de porter son attention sur tous les stimuli de son environnement sans la moindre faille ni fatigue…

 

Or, plus de 40 ans d’études en sciences comportementales, nous montrent que l’être humain fait preuve d’une irrationalité prévisible qu’il convient d’intégrer dans tout vecteur de communication visant à le faire changer durablement.

Ce qui est mis en œuvre actuellement s’attache, en réalité, à faire changer une attitude et non pas un comportement. Combien d’automobilistes a-t-on pu surprendre à freiner à l’approche d’un radar pour accélérer de plus belle une fois ce dernier franchi ?

 

Il est assez aisé avec des outils de motivation extrinsèque de modifier une attitude… cela s’avère beaucoup plus compliqué lorsqu’il s’agit de faire changer un comportement, donc de s’inscrire dans la durée et de façon intrinsèque voire automatique.

Alors il est peut-être temps de cesser de faire toujours plus de ce qui ne marche pas pour se tourner vers une approche plus proche de la réalité du fonctionnement de l’être humain. Un être « imparfait » dont les décisions sont nécessairement biaisées par le fonctionnement même de son cerveau. C’est ce que propose le nudge.