LANDING PAGE « B » comme BIAIS

« B » comme BIAIS

Vous assistez à un match de basket, et un joueur marque plusieurs paniers d’affilée. Pour vous, mais également pour la majorité des autres spectateurs, il devient évident que ce joueur possède un don. Il possède « la main magique » ! Seulement voilà, les statistiques dans ce sport sont formelles, et viennent heurter la croyance : la main magique n’existe chez aucun joueur. Le hasard, lui, existe bel et bien. Nous avons tous tendance à voir une logique dans le hasard. Et cette tendance naturelle est un biais qui vient tromper notre jugement. Un biais constitue une façon rapide et intuitive de prendre une décision qui demande bien moins d’efforts qu’un raisonnement analytique, rigoureux. Et nous, humains, détestons fournir un effort !

 

Cette notion de biais cognitifs a été introduite dans les années 1970 (donc relativement récemment) par Daniel KAHNEMAN, pour expliquer des tendances à prendre des décisions irrationnelles dans le domaine économique. Pourquoi, par exemple, des investisseurs continuent de financer un projet qu’ils savent pourtant voué à l’échec ? À cause des frais déjà engagés et donc irrécupérables. Et d’un biais nommé « aversion à la perte ». Pourtant, un raisonnement rationnel devrait amener à mettre en balance ce que l’on peut y gagner et ce que l’on peut y perdre, et non pas ce que l’on a déjà perdu. Et si ce projet ne rapporte rien, autant ne plus y investir un euro ! Mais notre cerveau ne veut pas « gâcher » et pousse à se focaliser sur les frais déjà engagés, donc à maintenir un projet non rentable.

 

Les travaux de Daniel KAHNEMAN ont largement contribué à déconstruire la modélisation de l’humain en Homo Economicus, et à promouvoir l’idée que nous ne sommes pas des êtres de raison mais d’émotions (voir article précédent A comme AIDER). Depuis, les recherches en psychologie cognitive et sociale ont identifié une multitudes de biais qui nous impactent au quotidien. Certains sont la résultante de nos ressources cognitives limitées : par manque de temps ou d’intérêt pour déclencher une analyse rigoureuse de la situation, nous allons utiliser un raccourci mental, appelé heuristique, afin de trouver rapidement une porte de sortie. D’autre biais font intervenir des facteurs motivationnels ou émotionnels. Comme par exemple la tendance à privilégier une information confirmant nos idées ou hypothèses, qui peut freiner un comportement respectueux de la planète au quotidien : « Mon action individuelle ne sert pas à grand chose, et de toute façon j’ai lu quelque part que le changement climatique était naturel… ». Ou la tendance à mal recevoir une demande quand on a le sentiment que l’émetteur ne fait rien pour nous : « Pourquoi prendre la peine de bien trier mes déchets alors que mon bailleur social n’a jamais répondu à mes nombreuses lettres au sujet des ascenseurs toujours en pannes ? ».

 

Cette notion de biais pose un problème de taille qui devrait interroger tous les acteurs du suivi de consigne, que ce soit en sécurité, en santé, en développement durable ou en civisme : il ne suffit pas de bien connaître une consigne pour l’adopter et prendre une décision vertueuse. La décision finale sera fréquemment irrationnelle, jusqu’à opter pour un choix contraire à l’intérêt personnel.

 

Heureusement, il existe une bonne nouvelle, portée par les Sciences Comportementales : la connaissance des biais cognitifs nous permet aujourd’hui de comprendre et de prévoir les comportements d’individus mis en situation de choix. Et donc d’identifier et de mettre en oeuvre des leviers décisionnels aptes à contrer ces fameux biais, à l’instant « T » dans le contexte de prise de décision.

 

Encore faut-il que les managers soient aujourd’hui en capacité d’accepter l’existence des bais et leurs conséquences. En effet, ce nouveau paradigme vient heurter ce que nous croyions établi depuis plus d’un siècle, à savoir notre systématique rationalité et le mode de communication qui en découle. D’où un possible biais de résistance au changement. Sans oublier que pour nous, humains toujours persuadés de notre toute puissance, il est difficile d’entendre notre fréquente faillibilité. Biais « Homo Economicus » en quelque sorte !